PARTAGE DE LA
PALESTINE DU POINT DE VUE JURIDIQUE
II.
Les principes qui régissent
les résolutions de l'ONU
Il existe une question
préjudicielle à examiner. Quels sont les principes juridiques qui régissent les
résolutions de l'ONU ? Subsidiairement, une seconde question se pose, celle de
savoir si le vote des membres de l'ONU sur une résolution peut s'exercer selon
un pouvoir discrétionnaire illimité, ou même d'une façon arbitraire.
La première réponse se trouve dans la charte.
L'article I prescrit que les buts de l'ONU sont, entre autres, de régler
"en conformité avec les principes de la justice et du droit
international" les différends internationaux et les situations pouvant
mettre la paix en danger. Il faut aussi faire une bonne place aux principes
généraux de droit reconnus par les nations civilisées lesquels, en vertu de
l'article 38 du Statut de la Cour Internationale de Justice, doivent être
considérés comme étant une des sources du droit international. En plus, il
existe divers principes qui sont soulignés dans la charte, tels que le respect
pour les droits de l'homme, pour les libertés fondamentales et pour
l'autodétermination des peuples.
La réponse à la deuxième question
est fournie par le premier avis consultatif
exprimé par la Cour Internationale de Justice en 1948. La question posée
à la Cour visait à savoir si un membre de l'ONU votant sur l'admission d'un
nouveau membre en vertu de l'article 4 de la Charte pourrait faire dépendre son
consentement à cette admission de conditions qui ne sont pas expressément d'une
liberté de jugement, laquelle cependant devait être exercée dans le cadre des
conditions de l'article 4 de la Charte, ces conditions étant les seules à
prendre en considération. Par contre, la minorité décidait que la liberté du
vote n'était pas circonscrite par les conditions énumérées dans l'article 4,
mais pouvait être exercée dans le cadre des buts et des principes généraux de
la Charte. Mais tous les membres de la Cour étaient d'accord pour souligner que
le pouvoir discrétionnaire inhérent au droit de vote devait être exercé de
bonne foi. Il semble utile de citer un passage de l'opinion dissidente
collective de MM. Basdevant et Winiarski, Sir Arnold McNair et M Read :
- "Un membre des Nations Unies, appelé, en vertu de l'article 4 de la Charte, à se prononcer par son vote, soit au Conseil de Sécurité, soit à l'Assemblée Générale, sur l'admission d'un Etat possédant les qualifications prévues au paragraphe 1 de cet article, participe à une décision politique ; il est juridiquement fondé à faire dépendre son consentement à cette admission de toute considération à ses yeux pertinente, d'ordre politique. Cependant, dans l'exercice de ce pouvoir, ce Membre est juridiquement obligé de se conformer au principe de la bonne foi, de s'inspirer des Buts et des Principes des Nations Unies et d'agir d'une manière qui n'implique pas un manquement à la Charte" (9).
Cette décision concernait le vote
des Etats membres sur la question de l'admission d'un nouveau membre, mais les
principes qu'elle a énoncés semblent s'appliquer d'une façon générale aux votes
de l'Assemblée Générale du Conseil de Sécurité.
De plus, en prenant sur elle-même
en 1947 la responsabilité de décider la Question de Palestine, et de trancher
les revendications contradictoires des Palestiniens et des Juifs sur ce pays,
l'Assemblée Générale de l'ONU avait assumé une fonction quasi-judiciaire. Elle
était, par conséquent, tenue d'observer les règles gouvernant l'exercice
régulier d'une pareille fonction.
Il s'ensuit que les résolutions de l'ONU ne
peuvent pas être arbitraires et ne peuvent échapper à l'application des
principes de la Charte, de la justice et du droit.
Dans la section suivante nous
examinerons la résolution de partage, ainsi que les circonstances de son
adoption, afin de déterminer si elle a été prise en conformité avec ces
principes.
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(9) Admission d'un Etat aux Nations
Unies; Avis Consultatif, C.I.J. Recueil
1947-1948, p. 92.
III.
Causes de nullité de la résolution du partage
de la Palestine
Ni les Palestiniens, ni les Etats
Arabes n'ont accepté la résolution de partage de la Palestine. Leur attitude se
fonde sur des considérations d'ordre politique, historique et juridique. Ici
cependant, la discussion sera limitée aux raisons d'ordre juridique qui
invalident cette résolution. Ces raisons sont les suivantes.
1. Incompétence de l'ONU
La première cause de nullité de la
résolution réside dans l'incompétence de l'Assemblée Générale de l'ONU à décréter,
ou à recommander si l'on veut, le partage de la Palestine.
La position juridique est claire à
cet égard. L'ONU est une organisation d'Etats qui a été formée pour certains
buts définis dans sa Charte. A aucun moment cette organisation n'a possédé un droit
de souveraineté ou autre droit quelconque sur le territoire de la Palestine.
Cette organisation n'avait donc aucune qualité
pour décider du partage de la Palestine ou pour en attribuer une partie
à une minorité religieuse afin d'y créer un Etat, ou pour porter atteinte aux
droit politiques des habitants autochtones, ou pour céder à des émigrants
étrangers des droits territoriaux ou politiques distincts et indépendants de la
majorité de la population. L'ONU ne pouvait faire don de ce quelle ne possédait
pas. Ni individuellement, ni collectivement, les Etats membres de l'ONU ne
pouvaient aliéner, réduire ou affecter la souveraineté du peuple palestinien,
ni disposer de son territoire, au moyen d'un partage ou de toute autre façon,
ni détruire l'intégralité territoriale de son pays.
Non seulement l'ONU ne possédait
aucune souveraineté sur la Palestine, mais elle ne possédait même pas un droit
d'administration sur l'administration des mandats. Mais la dissolution de la
SDN mit fin à ce droit de superposition. Ce résultat fut expressément reconnu
par la résolution adopté à la dernière session de la SDN le 18 avril 1946.
Cette résolution déclara que la dissolution de la SDN met fin à ses fonctions
relatives aux territoires sous mandat (10).
D'autre part, la Charte de l'ONU
ne lui donnait pas un droit de supervision sur les mandats existants. En vertu
de l'article 77 de la Charte, les stipulations concernant la tutelle ne
s'appliquent pas aux mandats, sauf si des accords de tutelle sont conclus avec
le mandataire.
Pour Duncan Hall :
- "Dans le cas des mandats, la SDN est décédée sans testament... Il n'y a pas eu de transfert de souveraineté aux Nations Unies... La souveraineté, en quelque lieu qu'elle se trouve, ne réside pas dans les Nations Unies" (11)
- Aussi, la Sous-commission 2 à la Commission ad hoc de l'ONU chargée de la question palestinienne déclara-t-elle dans son rapport :
- "... il faut souligner que l'Organisation des Nations Unies n'a hérité ni des fonctions, ni des pouvoirs constitutionnels et politiques, de la SDN ; qu'on ne peut en aucune façon la considérer comme le successeur de la SDN en ce qui concerne l'admission des mandats..." (12)
- En 1947, les Arabes soulevèrent la question de l'incompétence de l'ONU à recommander le partage de la Palestine. La Sous-commission 2 précitée accepta cet argument et déclara dons son rapport :
- "16, L'étude du Chapitre XII de la Charte des Nations Unies établit clairement que ni l'Assemblée Générale, ni aucun autre organe des Nations Unies, n'est compétent pour envisager et moins encore pour recommander ou imposer une solution quelconque pour un territoire sous mandat... et que l'établissement du gouvernement futur de la Palestine est un problème qui relève uniquement du Peuple de la Palestine... En outre, le partage implique une aliénation de territoire et la destruction de l'intégrité territoriale de l'Etat de Palestine. Les Nations Unies ne peuvent disposer d'un territoire ou l'aliéner. Elles ne peuvent pas non plus priver la majorité de la population de son territoire ni le consacrer à l'usage exclusif d'une minorité" (13).
Mais l'Assemblée Générale passa
outre et ne tint aucun compte de l'argument relatif à son incompétence.
(10) Vingt et unième session ordinaire de
l'Assemblée de la SDN Document A 33, 1946,
pp. 5-6.
(11) H. Duncan, Madates, Dependencies and Trusteeships, Carnegie Endowment for
peace, Wuashington, 1948, p. 274.
(12) Rapport de la Sous-commission 2 à la
Commission ad hoc chargée de la
question palestinienne, Document A/AC. 14/32, 11 novembre 1947, p. 276.
(13) Ibid., pp. 276, 277, 278.
Il est à remarquer que l'article
10 de la Charte permet à l'Assemblée Générale de discuter toutes questions ou
affaires rentrant dans le cadre de la Charte et de formuler des recommandations
aux membres de l'ONU et au Conseil de sécurité. Seulement, comme l'a dit la
Sous-commission 2, les Nations Unies ne peuvent se déclarer compétentes en ce
qui concerne les territoires sous mandat que si l'on substitue des accords de
tutelle à la place des mandats. Or, ce n'était pas le cas pour la Palestine. De
toute façon, même si on reconnait que l'Assemblée Générale avait le droit, en
vertu de l'article 10, de discuter de la question de la Palestine, et de faire
des recommandations à son sujet, cela ne l'habilitait pas à faire des
recommandations incompatibles avec les droits fondamentaux du peuple
palestinien ou a prescrire la forme du gouvernement futur de la Palestine. Une
telle recommandation ne possède pas de valeur juridique ou de force
obligatoire. L'Assemblée Générale a même été jusqu'à prévoir la création d'une
commission pour l'administration de la Palestine pour une période transitoire (14), ce qui constituait un excès
d'autorité.
Certains auteurs on reconnu
l'invalidité de la résolution de partage en raison de l'incompétence de l'ONU.
P.B. Potter dit :
- "Les Nations Unies n'ont pas le droit de dicter une solution en Palestine, à moins qu'on puisse trouver une base pour l'exercice de ce pouvoir. Mais on n'a pas encore trouvé cette base.
- On pourrait trouver cette base en prétendant que la souveraineté sur la Palestine à laquelle la Turquie à renoncé par le Traité de Lausanne a passé à la SDN, et que l'ONU en a hérité. C'est une proposition qui comporte deux pas hasardeux. Ou bien on pourrait prétendre que le mandat est encore en vigueur et que sa que superposition est passé à l'ONU, ce qui serait plus réaliste mais encore assez hasardeux au point de vue juridique. Les Arabes nient que le mandat possède maintenant une force obligatoire, ou même qu'il ait possédé une telle force dans le passé, comme ils nient aussi la validité de la Déclaration Balfour sur laquelle le mandat était basé. Encore une fois, ils ont probablement raison au point de vue juridique". (15)
- Quicy Wright a exprimé l'opinion que :
- "La légalité de la recommandation de l'Assemblée Générale pour la partage de la Palestine est douteuse" (16).
- De même I. Brownlie écrit :
- "Il est douteux que les Nations Unies possèdent le pouvoir pour transférer un titre, entre autres raisons, parce que l'Organisation ne peut assumer le rôle de souverain territorial... Ainsi la résolution de 1947 prévoyant un plant de partage pour la Palestine constituait probablement un excès de pouvoir. Et même si la résolution ne constituait pas un excès d pouvoir, de toute façon elle ne liait pas les Etats membres" (17).
(14) 1ere Partie, B2 de la résolution 181 (II) du
29 novembre 1947.
(15) Pitman B. Potter, The Palestine
Problem before the United Nations, American
Journal of International Law 1948, Vol. 42 p. 860
(16) The
Middle East Crisis, edited by John W. Haldeman, Oceana, Dobbs Ferry, 1969, p.
12.
(17) I.
Brownlie, Principles of Public
International Law, Clarenton Press,
Oxford,
1966, pp. 12.
Voila en ce qui concerne la
question d'incompétence. Passons maintenant à la seconde cause d'invalidité.
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