Il
y a eu toujours un doute sur la participation des populations civiles allemandes
au projet nationaliste et crimes nazis.
Mais, je crois qu'il ne peut pas y en avoir en ce qui concerne la majorité de
la population israélienne juive, dont une large majorité soutient le projet nationaliste
et les crimes sionistes des dirigeants et l'armée israélienne. (Sans généraliser bien entendu, il y a plus de juifs honnêtes
en Israël qu'en France, c'est malheureusement une évidence. Israël ne pourrait
pas commettre impunément autant de crimes, si le monde (occidental) avait des
dirigeants honnêtes.) Les manipulations subies par les populations israéliennes y compris les écoliers est monstrueuse...
Hajo Mayer, juif allemand déporte à Auschwitz, vivait aux Pays-bas, décedé il tout juste quelques semaines, avait déclaré: "les écoliers israéliens subissent une plus grande manipulation de la part du sionisme que moi même je n'ai subi de la part du nazisme".
22 octobre |Ivar Ekeland Ahmed Abbes |Tribunes
Voici comment, au mois d’août dernier, P. Lavie, Président
du Technion, l’Institut Technologique d’Israël, s’exprimait dans un éditorial :
« Cet été, Israël est de nouveau contraint de se défendre
face à un feu roulant de missiles visant des populations civiles. Une nouvelle
fois, le système de défense anti-missiles ‘Dôme de Fer’ a épargné
d’innombrables vies civiles. ‘Dôme de Fer’ a été développé par les excellents
ingénieurs de Rafael Advanced Defense Systems, dont la plupart sont des
diplômés du Technion. En outre, un vaste réseau de tunnels de la terreur, dont
beaucoup menaçaient directement des enfants, des femmes, des hommes israéliens
non armés, a été découvert et neutralisé. Dans ce domaine également, les
scientifiques du Technion sont partie intégrante de l’effort pour mettre
l’innovation scientifique en mesure de déjouer cette menace ».
Comme le laisse bien voir l’emphase martiale du propos, la
participation des universités israéliennes, en particulier du Technion, à la
guerre d’occupation tend à effacer, chaque jour davantage, la démarcation entre
société civile et société en armes – et à réduire à néant les chances d’une
paix négociée au Proche-Orient. Le triomphe du concept de l’étudiant-soldat ne
fait qu’exacerber encore plus le double clivage de la société israélienne :
clivage interne – entre Juifs et non-Juifs – et clivage externe – entre Israël
et son entourage géopolitique, dont bien sûr la Palestine occupée.
L’Institut Polytechnique du Technion est, à l’origine, une
université publique de recherche, fondée en 1912 à Haïfa sous l’Empire ottoman.
Cette institution compte à l’heure actuelle un peu plus de 13 000 étudiants.
L’institution aurait pu, aurait dû, être un sanctuaire des valeurs universelles
de la science, en fonctionnant comme une université d’excellence également
ouverte à tous les étudiants vivant aujourd’hui sur le territoire de la
Palestine de 1948. Elle n’a cependant pas échappé à la lame de fond
nationaliste qui a marqué la société israélienne ces dernières décennies. Elle
en est même, à bien des égards, le fer de lance technologique. De fait, les
idéaux du Technion n’ont plus grand-chose à voir, aujourd’hui, avec ceux d’une
institution universitaire ordinaire. Le raidissement se reflète tout d’abord
dans sa composition : le Technion est l’université israélienne comptant la
proportion la plus élevée d’étudiants et de professeurs militaires, anciens
militaires ou réservistes. Selon A. Ludwick et G. Goldberg, présidents de
Technion Canada (l’une des associations de promotion du Technion dans le
monde), on y trouve même le plus haut pourcentage d’étudiants réservistes
appartenant « à la fois à l’élite académique du Technion et à l’élite militaire
de l’IDF [Israel Defense Force] » [1]. Inutile de préciser qu’une telle
déclaration, dans l’esprit de ses auteurs, n’a rien de dérangeant. Ce discours
ne constitue d’ailleurs pas un dérapage isolé : on le retrouve à tous les
niveaux de l’interface entre le Technion et la société civile. À l’occasion de
l’opération militaire israélienne ’Bordure Protectrice’ qui a provoqué la mort
de 2.200 Palestiniens (dont deux tiers de civils), le Technion a ainsi levé
plus de 500 000 dollars d’aide privée pour ceux de ses étudiants (un peu plus
de 600) qui faisaient la guerre à Gaza cet été [2].
Cet engagement en faveur de l’étudiant-soldat n’est pas
l’apanage du secteur privé. Au niveau le plus officiel de la loi israélienne,
les mesures se sont entassées pour accorder toujours plus d’avantages
universitaires aux jeunes ayant servi dans l’armée. L’une des dernières en date
(2010), l’amendement n° 12 à la loi sur la réintégration des soldats libérés du
service, stipule que pour peu qu’ils soient résidents d’une « zone de priorité
nationale », ceux-ci bénéficient d’un « compensation package ». Ces avantages
incluent une participation à leurs frais d’inscription universitaire, une année
propédeutique gratuite et des avantages additionnels, comme le logement
universitaire. Certaines associations de défense des droits des Palestiniens
citoyens d’Israël remarquent que puisque ces derniers, pour des raisons
évidentes, n’effectuent pas de service militaire, ils sont automatiquement
exclus de ces avantages et donc « défavorisés » [3]. Le problème est à la fois
plus grave et plus général : c’est l’université israélienne elle-même qui, par
sa participation au quadrillage carcéral des Territoires Occupés, ainsi qu’aux
opérations punitives récurrentes à leur encontre, se rend en pratique coupable
de complicité de crimes de guerre [4]. Au plan idéologique, elle est un facteur
important du délétère statu quo actuel, en maintenant la fiction d’un État en
danger, protégé du « feu roulant des missiles » (!) par l’ingéniosité de preux
étudiants-soldats.
Le Technion, pompier pyromane de feu le « processus de
paix » ? On pourrait multiplier les preuves. Ses liens avec Elbit Systems,
l’entreprise d’armement et de fabrication de drones la plus importante
d’Israël, sont très étroits. En 2008, Elbit s’est officiellement engagé à
offrir des bourses à des étudiants chercheurs du Technion à hauteur de 500 000$
par an pendant cinq ans [5]. L’emblématique président d’Elbit de 1996 à 2013,
Y. Ackerman, a d’ailleurs reçu un doctorat honoris causa du Technion, tandis
que H. Russo, qui dirige une branche d’Elbit spécialisée dans l’équipement
militaire, a été nommé au directoire [6]. Un laboratoire conjoint Technion-Elbit,
dédié à la vision artificielle [7], met au point les technologies employées par
les drones, la surveillance du mur dit « de séparation » en territoire
palestinien occupé et celle des colonies – l’illégalité internationale est bien
sûr totale [8]. On pourrait faire les mêmes remarques, mutatis mutandis, au
sujet des liens entre le Technion et le conglomérat d’État Rafael Advanced
Defense Systems Ltd, l’une des plus grandes entreprises d’armement israéliennes
: même interpénétration des structures, même mobilité des individus de l’une à
l’autre, même influence des choix militaires sur l’orientation de la recherche.
En témoignent le nombre colossal d’anciens élèves du Technion chez Rafael [9]
et l’existence d’un MBA conçu spécifiquement par le Technion pour les managers
de Rafael [10]. Enfin, Rafael a lancé en 2013 un appel d’offre pour recruter
150 étudiants du Technion, appelés à diriger les recherches en armement de
l’avenir. Il est prévu que ceux-ci partagent leur temps d’étude entre Rafael et
le Technion [11].
Cette imbrication n’est pas un simple jeu de programmes ni
d’organigrammes. On pourrait dire, en paraphrasant un mot célèbre, que ce qui
est bon pour le Technion est bon pour Israël identifié à son complexe
militaro-industriel. La guerre est une source inépuisable de travaux pratiques.
Dans un communiqué auto-promotionnel du Technion de 2009 que certains
stratèges, en communication cette fois, ont eu la sagacité de faire assez vite
disparaître de la toile – mais que l’on peut retrouver grâce à web.archiv [12]
– on lisait : « dans un très proche avenir, la Force de Défense Israélienne
(IDF) commencera à utiliser un bulldozer D-9 télécommandé, mis au point ces
dernières années par les experts du Technion. Ce bulldozer viendra épauler une
jeep Hummer sans pilote télécommandée, elle aussi mise au point par le Technion
». Le communiqué ajoute que, d’après les spécialistes militaires, « ce
développement innovant rendra le bulldozer capable d’être télécommandé sous le
feu par un pilote demeurant hors d’atteinte. À l’heure actuelle, les
conducteurs de bulldozer courent de grands risques lorsqu’ils démolissent des
bâtiments où des terroristes se dissimulent ou lorsqu’ils essaient d’ouvrir des
routes ». On connaît, derrière la phraséologie, la réalité de faits : 25 000
maisons palestiniennes détruites depuis 1967 – également en complète violation
du droit international [13].
Comme toutes les institutions israéliennes engagées dans
des partenariats avec l’étranger – dernièrement, par exemple, avec l’École
polytechnique [14] –, le Technion, sous la pression de la campagne
internationale Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), est passé maître
dans l’art du double discours. Sur les prospectus auto-promotionnels destinés à
l’international, cet institut vante son ouverture, ses pelouses vertes et ses
étudiants décontractés, voire un pourcentage non dérisoire (à l’aune des
standards nationaux) d’étudiants palestiniens citoyens d’Israël. Dans son
fonctionnement interne, en revanche, le Technion puise à sa participation aux
crimes de guerre actuels des financements externes, des projets de recherche,
un terrain d’expérimentation permettant ensuite d’exporter le know how
israélien en la matière dans plus de 70 pays du monde [15] et, enfin, un
discours de galvanisation digne des plus beaux régimes totalitaires. À tel
point que, pour en revenir à la déclaration de son président citée plus haut,
le Technion, ses professeurs, ses chercheurs et ses étudiants, sont devenus des
rouages essentiels d’une politique dure israélienne, justifiant les appels
internationaux de plus en plus nombreux au boycott académique de cette
institution [16].
Ahmed Abbes, Directeur de recherche au CNRS
Ivar Ekeland, Ancien président de l’université
Paris-Dauphine, Ancien président du conseil scientifique de l’École normale
supérieure.
[1] The Scope, Newsletter of the Canadian Technion
Society, Summer 2006.
[2] Communiqué du Technion du 3 septembre 2014 publié sur
sa page Facebook
[3] Voir le site d’Adalah – le Centre juridique pour les
droits de la minorité arabe en Israël
[4] Le droit international considère que la fourniture
d’armes et de matériels à l’auteur d’un crime de guerre ou d’un crime contre
l’humanité revient à aider et encourager la perpétration du crime et donc à
engager la responsabilité pénale du fournisseur en tant que complice (art. 25§
3 et 30 du Statut de la Cour pénale internationale ; Tribunal spécial pour la
Sierra Leone, Jugements des 16 mars 2006, §40 et 26 avril 2012, §149).
[5] Communiqué d’Elbit Systems du 15 juin 2008.
[6] « Boycott académique d’Israël et la complicité des
institutions universitaires israéliennes dans l’occupation des territoires
palestiniens », par Uri Yacobi Keller, The Alternative Information Center
(AIC), octobre 2009.
[7] Communiqué d’Elbit Systems du 15 juin 2008.
[8] En 2004, la Cour internationale de justice a déclaré
le mur comme les colonies contraires au droit international. Ils donnent lieu à
des mesures discriminatoires contre les Palestiniens similaires à l’apartheid.
[9] En 2011, sur les 6500 employés de Rafael, 2000 sont
des anciens du Technion, auxquels il faut ajouter 350 étudiants.
[10] Communiqué du Technion du 7 janvier 2001 “Technion
MBA Program Delivered In-House to 40 Rafael Managers”.
[11] « Rafael hiring 150 Technion students », Yuval
Azulai, 1er janvier 2013, Israel Global Arena.
[12] Communiqué du Technion du 21 octobre 2003 « Remote
control in the service of the IDF : Technion experts develop remote control for
driverless D-9 bulldozer and Hummer Jeep »
[13] La IVe Convention de Genève de 1949 interdit toute
punition collective et toute politique discriminatoire vis-à-vis de la
population civile de la puissance occupée.
[14] Une pétition contre les accords conclus entre l’École
polytechnique et le Technion en 2013, lancée le mois dernier par l’Association
des universitaires pour le respect du droit international en Palestine
(AURDIP), a recueilli en deux semaines plus de 600 signatures, essentiellement
parmi les universitaires français, dont des chercheurs, des enseignants, ainsi
que des élèves et des anciens élèves de l’École polytechnique.
[15] « Une conférence israélienne sur le drone expose les
armes qui ont servi à tuer les enfants de Gaza », Rania Khalek, The Electronic
Intifada, 18 septembre 2014, Traduction pour l’AURDIP
[16] Voir les campagnes américaine (New Yorkers Against
the Cornell-Technion Partnership) et canadienne (McGill and Concordia must
boycott Technion).
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